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La vice-présidence des Etats-Unis est un poste particulier. Sans rôle formel, c’est un personnage important qui est à la fois impuissant et (potentiellement) tout-puissant.
Si Donald Trump gagne la présidentielle en novembre, James David Vance n’échappera pas à la règle.
Une vague d’inquiétude a déferlé sur l’Europe mardi après que ce dernier — un isolationniste qui estime que l’Amérique protège l’Europe “depuis bien trop longtemps” — a été choisi comme colistier de Trump.
En Europe, les unes de la presse parlent de “catastrophe” et de “peur”.
Mais sur le plan constitutionnel, le rôle du vice-président est essentiellement cérémonial — à moins que le grand patron meure, délègue volontairement ou tente de renverser une élection. Et si l’on se fie au premier mandat de Trump, celui-ci utilisera surtout son numéro 2 pour l’envoyer là où il ne veut pas aller. Ce qui inclut Europe.
L’ancien président avait une aversion bien connue pour tout voyage l’éloignant de chez lui (Mar-a-Lago et Bedminster inclus). Il semblait particulièrement exécrer venir en Europe, où il était régulièrement confronté à des dirigeants donneurs de leçons et des manifestants tenaces (sans parler du ballon géant en forme de bébé Trump en couche-culotte).
A la place, quand c’était possible, le locataire de la Maison-Blanche envoyait son vice-président.
A l’époque, Mike Pence s’est ainsi rendu à plusieurs reprises à la Conférence de Munich sur la sécurité — le rassemblement des grands de ce monde que le président Joe Biden était si désireux d’intégrer un mois après son investiture.
Porte-voix transatlantique
J. D. Vance avait tenu à participer à cette même conférence en février dernier, en tant que sénateur américain. Il avait clamé haut et fort que l’Amérique devait confier à l’Europe la charge de la guerre en Ukraine.
C’est le genre de rôle que Vance serait susceptible de jouer s’il était élu : celui de porte-voix transatlantique.
En pratique, cela ne devrait pas aller beaucoup plus loin. Vance aurait régulièrement l’oreille de Trump — et serait capable d’influencer un président capricieux —, mais tout comme Sean Hannity, une des stars de Fox News, et Mike Lindell, le patron de MyPillow.
Et contrairement à Pence, qui a soutenu la guerre en Irak et a explicitement dénoncé l’isolationnisme de Trump lors de sa brève candidature à la présidentielle de cette année, Vance est déjà en phase avec l’instinct de Trump en matière de politique étrangère : laisser les autres se défendre (à moins qu’il ne s’agisse d’Israël).
En d’autres termes, il n’a pas à le convaincre de grand-chose, même s’il le voulait.
Il ne lui reste plus que le rôle de porte-voix. Le fait est que Vance en est devenu un fervent — une qualité vitale à l’ère de la téléréalité politique américaine.
Alors qu’en 2016, il était lisse et accommodant en interview, il s’est rapidement MAGAmorphosé en un pugnace substitut de Trump dans toutes ses apparitions publiques — sur Fox News, en dehors du Sénat, sur le stand de campagne.
En tant que vice-président, il ajoutera probablement l’Europe à cette liste.
Pendant les années Trump (version 1.0), Mike Pence est progressivement devenu le visage du trumpisme à l’étranger, en étant régulièrement envoyé en Europe pour dire non aux alliés des Etats-Unis. Il était aussi là, vraisemblablement, pour recueillir les applaudissements tièdes et les objections que le président républicain méprisait.
Mais alors que Pence, malgré son expérience d’animateur radio, était une figure terne et rigide à l’étranger, la malice de Vance à la télé apporterait probablement une version plus animée et plus volubile du trumpisme transatlantique en Europe.
L’Asie de l’Est avant l’Europe
“Je pense qu’il est d’accord avec ce que je vais dire”, a assuré Vance lorsqu’il a pris le micro à Munich au début de l’année — le “il” étant bien sûr Donald Trump, un premier signe de la façon dont le colistier pourrait relayé les propos du locataire de la Maison-Blanche en tant que son envoyé à l’étranger.
“Il y a une question fondamentale, sur laquelle l’Europe doit vraiment ouvrir les yeux”, a lancé Vance, en insistant sur le fait que ses remarques étaient faites “dans un esprit d’amitié et non de critique”, car “je ne pense pas que nous devrions abandonner l’Europe”.
Cette question fondamentale ? “Les Etats-Unis doivent se concentrer davantage sur l’Asie de l’Est”, a-t-il déclaré. “C’est l’avenir de la politique étrangère américaine pour les quarante prochaines années et l’Europe doit en prendre conscience.”
Si la théorie rappelle largement le pivot vers l’Asie tant annoncé de Barack Obama, la version de Vance est beaucoup plus spectaculaire. Comme il l’a expliqué à Ian Ward de POLITICO au début de l’année, il souhaite revoir fondamentalement l’ordre mondial, en créant un système dans lequel chaque nation serait responsable de sa propre sécurité et de son bien-être financier.
Cela impliquerait une refonte complète des structures du commerce et de la sécurité internationaux.
Pour l’instant, cependant, ses projets dépendront des caprices de Trump, comme c’est le cas pour tous les vice-présidents.
Pourtant, à 39 ans, Vance pourrait hériter de la couronne MAGA (make America great again). Trump a 78 ans, il vient de survivre à une tentative d’assassinat présumée et ne peut (constitutionnellement) exercer qu’un seul mandat supplémentaire.
C’est une voie possible dans la politique américaine. Depuis 1900, les ex-vice-présidents ont remporté environ 25% des élections pour la Maison-Blanche. Au total, quinze d’entre eux sont devenus présidents, dont huit à la suite du décès du chef de l’Etat.
Les alliés de Vance le voient sur cette voie. Et lui-même envisage cet avenir.
“Trump restera tout au plus quatre ans à la Maison-Blanche”, a-t-il souligné à POLITICO en mars. “Il y a une grande question sur ce qui se passera après lui.”
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.