Spéciale Aix : brouillard sous le soleil

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Notre newsletter quotidienne sur les enjeux de lobbying et de transparence en France.

POLITICO Pro Paris Influence

Par PAUL DE VILLEPIN

Avec OCÉANE HERRERO, JASON WIELS ET MARION SOLLETTY

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LE MENU DU JOUR

— Relevé de température aixoise : beau fixe sur les technos, malgré les avis contraires.

— Clément Léonarduzzi en disgrâce : info ou intox ? 

— La start-up nation déjà nostalgique, avec un verre de rosé pour faire passer.

Bonjour à toutes et à tous, deuxième et dernière édition spéciale depuis les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Certes, nous repartons moins pimpants qu’à l’arrivée mais ravis d’avoir pu croiser nombre de nos lecteurs et d’en rencontrer de nouveaux. Vous avez goûté à nos jeux de mots et ne pouvez plus vous en passer, savouré nos infos de derrière les fagots ? Il est vivement encouragé de vous abonner à Paris Influence. Un seul contact : pro@politico.eu.

L’APRÈS 7 JUILLET

VIVE LA TECHNOCRATIE ! On vous l’avait annoncé et vous aurez remarqué leur absence : les politiques ne sont pas là cette année. Pourtant, la politique est sur toutes les lèvres. Dans cette dernière ligne droite avant second tour, une étrange impression de flottement et d’attentisme a teinté l’atmosphère aixoise. Hier, dans les allées, chacun y allait de son pronostic et de sa petite théorie sur la suite des événements.

Parmi les trois scénarios sur la table, coalition entre “républicains”, gouvernement Rassemblement national ou exécutif technique, c’est la troisième option qui emportait largement l’adhésion des businessmen and women. C’est celle qui induirait une moindre implication de l’Etat dans la conduite de leurs affaires, ce qui ne serait pas pour déplaire à nombre d’entre eux.

La première, qui supposerait que des personnalités allant de Bellamy à Glucksman tombent d’accord, ne leur paraît guère plausible.

Quant à l’hypothèse Bardella à Matignon, elle ferait selon eux fuir les talents et les capitaux ; ils ne préfèrent pas y croire.

Qui pour piloter ? Jean Castex, s’aventurait un financier bien en cour en Macronie. L’actuel patron de la RATP, réputé pour son ethos de serviteur de l’Etat, pourrait faire son come-back. Son côté “populaire”, au sens propre comme au sens figuré, ainsi que son caractère “consensuel” plaideraient en sa faveur, d’après notre homme.

“Et pourquoi pas Jean Tirole ou Didier Migaud ?”, se moque un fin naturaliste de la vie politique. Selon lui, l’Assemblée va être “hyper légitime” et “chauffée à blanc”. Impossible que des technos tiennent longtemps la barre…

Le retAix de l’Aixpert : Mario Monti. Habitué des Rencontres, l’ancien président du conseil italien Mario Monti tenait hier après-midi un petit point presse pour raconter son expérience à la tête de de gouvernement dit de techniciens — une expression qu’il “n’aime pas”. Dans un français impeccable, le toujours élégant économiste a rappelé que les conditions — une crise financière — qui avaient permis sa nomination, fin 2011, étaient bien différentes de la situation actuelle de l’Hexagone. 

Est-ce possible chez nous ? S’il ne s’est pas montré assertif, l’ancien commissaire européen s’est dit “peu persuadé” par les articles de presse évoquant cette théorie, compte tenu de la force du régime présidentiel en vigueur en France. Lui “n’était qu’une solution d’extrême d’urgence”, a-t-il précisé.

A-t-il été consulté par l’Elysée ou des politiques tricolores ?, a osé lui demander votre serviteur. Réponse : “Ça, c’est privé. Je vous réponds ni oui ni non, mais vous aurez compris.” 

DES TECHNOS ? SURTOUT PAS, répond Michel Barnier, croisé sous un parasol du Café éphémère. Comme un autre routard de la politique, avec qui votre infolettre papotait deux tables plus loin, qui y voyait une potentielle “erreur historique”, l’ancien ministre pense qu’il s’agirait là d’un contresens politique.

Ze Brexit moment. Candidat à rien mais figure respectée des Républicains (canal historique), l’ex-négociateur en chef du Brexit, qui ne fait pas mine d’ignorer que son nom est revenu dans certains papiers, refuse de commenter l’après 7 juillet mais a dressé sur scène un parallèle entre la crise actuelle et celle qui a secoué le Royaume-Uni : “Le Brexit comporte beaucoup de leçons françaises. Pourquoi 52 % des Britanniques, comme les Français [dimanche dernier], votent contre l’Europe, contre l’élite ? Ils ont le sentiment de ne plus être considérés, de ne plus être respectés.”

ReAix vs la France. Dont acte : si l’idée d’un gouvernement “d’experts” peut séduire sur les pelouses peuplées de chemises proprettes des Rencontres, il serait un très mauvais signe à adresser face à la colère sociale qui secoue le pays. Le routard des élections croisé plus tôt dressait un parallèle avec le vote ignoré du “non” à la Constitution européenne de 2005. “Les électeurs en 2005, on n’en a pas tenu compte… On ne va pas leur refaire la même histoire.”

Fait amusant : Michel Barnier a croisé dans le TGV Raphaël Glucksmann — qu’il apprécie — parti soutenir des candidats de la gauche dans le Sud pour les dernières heures de la campagne. De là à dire qu’il y a de quoi raccrocher les wagons…

BROUILLON DÉLOCALISATIONS. Même dans le cas d’un gouvernement hostile au business as usual, la panique n’a pas encore gagné les gestionnaires de fonds. Certes, “les investisseurs étrangers sont en situation de stress”, explique l’un d’entre eux, qui gère plusieurs milliards d’euros d’actifs. Mais délocaliser ? “C’est super prématuré. Je n’ai pas envie d’être dans ce mood. Partir, pour moi, ce n’est pas une solution et ce serait même un aveu d’échec.”

Un autre fonds, valorisé le triple, qui siège lui aussi en France, a même échafaudé un plan S, comme Suisse, en cas de choc politique trop dur. Des plans de papier. Jusqu’à preuve du contraire.

L’AGENCE TOUS RISQUES

UN ABSENT TRÈS PRÉSENT. C’est la rumeur qui amusait les communicants présents en nombre, comme toujours. Clément Léonarduzzi sort-il abîmé ou pas de la “séquence” (comme ils disent) de la dissolution ? Le vice-président du Groupe Publicis et ex-conseiller d’Emmanuel Macron, à qui de nombreux journalistes ont prêté un rôle plus ou moins central dans la fabrique de la décision présidentielle, va-t-il tomber en disgrâce ?

Chez les concurrents de Publicis, naturellement bienveillants et objectifs, deux écoles s’opposent.

Ceux qui croient que son aura reste intacte. “Les patrons savent très bien que ce n’est pas la décision d’un seul homme”, écartait d’emblée un ancien de l’Elysée sondé par votre infolettre. “A mon avis, il est en état de grâce jusqu’en 2027, les patrons sont contents d’avoir CL pour avoir l’oreille du PR”, jugeait toujours un senior d’une grosse agence croisé au Café éphémère. “Tout le monde est jaloux et essaye de lui casser du sucre sur le dos”, soupirait une patronne d’une boite de com. Un autre routard des affaires publiques, à côté du stand Nespresso, n’accordait aucun crédit à la rumeur : “C’est n’importe quoi, il a une confiance très forte de ses clients.”

Ceux qui boivent du petit lait et ajoutent une sucrette. “Les échos qu’on a, c’est que c’est pas bon pour eux”, se gaussait une communicante chevronnée. Selon elle, plusieurs dirigeants risquent de lui tourner le dos quelque temps. “Quand on vient voir Clément Léonarduzzi, on vient chercher de la stratégie, certains pragmatiques pourraient se demander pourquoi payer 15 ou 20 000 boules par mois pour se faire conseiller par un mec qui a contribué à la dissolution”, poursuivait-elle. D’autres allaient même jusqu’à faire courir le bruit que “Duzzi” avait perdu plusieurs contrats.

Combien exactement ? “Cinq”, spéculait un haut fonctionnaire amateur de ragots.

Publicis dément formellement : “Nous n’avons perdu aucun contrat”, nous jure Valérie Rudler, dircom du groupe, qui précise qu’il “a toute la confiance de la direction”. Après un mois de congé sans solde pour s’impliquer dans la campagne, le plus présent des absents à Aix doit revenir à son bureau lundi matin.

CHOOSE AIX

UN TOAST À LA START-UP NATION. Les start-uppers ont renforcé cette année leur présence aux rencontres via une délégation de la Mission French Tech et la présence de leur lobby, France Digitale. L’occasion d’observer ce qui les rapproche des huiles du CAC 40, habituées du rendez-vous aixois.

Thèse, parenthèse, synthèse. Avec la future Assemblée, c’est la fin annoncée d’une époque dorée : sept années de “start-up nation”, marque de fabrique d’Emmanuel Macron. Pendant cette période si coulante avec tous ceux prêts à signer des millions, sur fond de Brexit, la France serait “même devenue un hub dans l’écosystème des infrastructures”, évalue une investisseuse citée plus haut.

Mais avant même le verdict des urnes, le secteur subit, comme d’autres, le ralentissement et l’incertitude. “Les start-ups seront toujours là après, c’est sûr. Mais nous étions jusqu’ici sur un alignement qui nous a permis d’avancer rapidement sur nos sujets”, retrace Alexandre Labarrière, dircom de France Digitale.

Orage mais pas désespoir. Le lobby maison a organisé un petit rassemblement autour de bouteilles de rosé dans un restaurant proche de la soirée officielle. “On entre dans une nouvelle phase, où on n’est plus épargné par les cycles économiques et la marche du monde”, juge aussi Alexandre Labarriere.

Pour bon nombre de jeunes pousses, la période politique trouble s’accompagne d’un ralentissement des investissements, des recrutements à l’étranger et des levées de sesterces. 

Une préoccupation désormais : “Que la defense  de la French Tech ne soit plus associée à un représentant politique”, lâche une actrice du secteur, quitte à changer de sobriquet. Sous peine de devenir inaudible.

OÙ TABLE RONDER ?

À 8h30 — Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Thomas Buberl (Axa) et Anne Rigail (Air France) causeront des énergies fossiles. Avec ou sans réserves sur le sujet ? 

À 9h30 — Alors que la question du pouvoir d’achat démange les électeurs, que diriez-vous d’un débat sur un nouveau partage de la valeur ? Notre grande cheffe à POLITICO Paris Marion Solletty donnera la parole aux têtes pensantes ou dirigeantes d’Edenred, de la CFDT, Socotec et Vauban Infrastructure Partners.

À 15h30 — L’Etat doit-il se réinventer ? C’est la question que tenteront de trancher deux hauts fonctionnaires, et pas des moindres : Augustin de Romanet, qui quittera ADP après les JO 2024, et Nicolas Dufourcq de Bpifrance.

À 18h — IA, Etats, inverser le rapport de force. Pour deviser sur ce thème : Jacques Attali (encore), Aiman Ezzat de Capgemini, Paul Hudson de Sanofi et Tatiana Jama de Sistafund.

SPOTTED

Christine Lagarde, sirotant son gaspacho aux côtés de Jacques Attali et Jean Tirole au déjeuner officiel.

Philippe Corrot de Mirakl et Philippe Englebert de Lazard, en pleine cueillette de potentiels financeurs prêts à mettre au pot pour le projet de rachat de Marianne piloté par Jean-Martial Lefranc.

Dimitri Lucas, en discussion avec Mayada Boulos — qui lui tenait la main, probablement pour le réconforter à l’approche de son départ de Bercy  — au milieu du Parc.

Karim Tadjeddine, l’ancien consultant, emporté par l’affaire McKinsey, désormais chez Partech.

Raphaël Legendre, annonçant qu’il passait du papier (L’Opinion) à la télé (BFM Business).

Anne-Laurence Pétel, dans la dernière étape de sa campagne, avec le patron du Medef local à ses côtés. La députée sortante de la 14e circo des Bouches-du-Rhône, arrivée troisième dans un mouchoir de poche derrière ses rivaux RN et socialiste, a décidé de se maintenir et de faire fi du front républicain.

Jean-François Achilli, dont le jeans tranchait au milieu des convives dans les jardins de l’hôtel de Caumont.  

Claude Raynal, polo blanc et moustache taillée au milimètre en grande discussion avec Eric Lombard, lequel essaye “de se faire le plus discret possible en ce moment”.

CLUB DES EX. Déserté par les politiques cette année, le parc Jourdan a tout de même été foulé par les espadrilles et sandalettes d’un certain nombre d’anciens et anciennes ministres, dont : Jean-François Copé (casquette sur la tête) et sa femme Nadia, Myriam El Khomri (goodies à la main), Laurence Boone (toujours membre du Cercle des économistes), Emmanuelle Wargon tirant son cartable à roulette, Elisabeth Moreno (réconciliant “les mondes virtuel et réel”) et Florence Parly dissertant sur un thème rassérénant : qui veut la paix prépare la guerre.

LES PERLES

Un photographe au téléphone, essayant de refourguer ses clichés : “Y que des grands noms ici : la PDG de Nexity, de Siemens, de la SNCF, tu te rends compte ? Que des journalistes connus, François Lenglet, Hedwige Chevrillon, Emmanuel Lechypre, tu te rends compte ? Il y avait un Togolais ce matin, extraordinaire.”

Philippe Aghion à une de nos consoeurs, en mode réformons encore. “La réforme des retraites est incomplète, il faudra peut-être introduire de la capitalisation à partir d’un certain niveau de revenu, dans le dialogue.”

“Ils sont quand même vachement dans leur bulle, nan ?”, s’interrogeait dans un fort accent sudiste une badaude en franchissant les grilles du parc sur les coups de 19 heures.

Un grand merci à : notre éditeur Jason Wiels.

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