Vote explosif sur la sûreté nucléaire

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Pro Energie & Climat Matin France

Par AUDE LE GENTIL

Avec NICOLAS CAMUT et ARTHUR NAZARET

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AU MENU

— Roland Lescure, de Pif Gadget à la “réindustrialisation verte”

— Sûreté nucléaire : dernier rebondissement en vue à l’Assemblée

— Christophe Béchu reste ZAN face aux projets industriels

Bonjour à toutes et à tous ! Nous sommes le mardi 9 avril et c’est avec enthousiasme (et une pointe de fébrilité, avouons-le), que nous vous envoyons cette toute première infolettre. Rendez-vous désormais à 7 heures 30, chaque matin, pour votre ration de scoops et analyses sur l’énergie et le climat. Pour fêter ça, nous organisons même une soirée de lancement le 24 avril (invitation sur demande ici) .

Pour ce numéro inaugural, Energie & Climat Matin vous invite à faire plus ample connaissance avec un personnage qui sera (certainement) un habitué de nos colonnes : le ministre Roland Lescure, qui a glané le portefeuille de l’Energie en plus de celui de l’Industrie à l’occasion du dernier remaniement. 

Comment se glisse-t-il dans ce nouveau costume ? Mon collègue Arthur Nazaret a profité d’un voyage en TGV jusqu’à Dunkerque pour le sonder sur ses nouvelles fonctions et lui dresser le portrait. Vous y apprendrez qu’être chaperonné par Bruno Le Maire “ne l’empêche pas de dormir”, et qu’il n’entrevoit pas de “débat [parlementaire] instructif et apaisé” sur les objectifs climatiques. Mais encore qu’il a grandi entre Jeunesses communistes et Fêtes de l’Huma avant de devenir “un libéral pragmatique qui cherche des solutions” (c’est Fabien Roussel qui le dit). 

L’ACTU DU JOUR

FUSION, CONFIRMATION ? Le petit feuilleton du projet de loi sur la sûreté nucléaire devrait connaître son épilogue lors du vote final à l’Assemblée et au Sénat cet après-midi. Devrait, car le scrutin s’annonce serré, malgré le compromis trouvé entre les deux chambres la semaine dernière.

Aucune marge. Après avoir, sans encombre, été adopté au Sénat, le projet de loi était passé à un souffle de l’accident de parcours à l’Assemblée, où il avait été adopté par 260 voix contre 259. Sept députés Renaissance — et une quinzaine chez Horizons et au Modem — s’étaient opposés au texte ou avaient préféré s’abstenir.

“Le vote va être coton” à l’Assemblée nationale, s’inquiète un député macroniste : “C’est une loi qui est très technique, qui n’est pas parfaite.” Il veut se convaincre que “les ajustements de la CMP sont de nature à rassurer” les hésitants.

Le RN décisif. La position du Rassemblement national pourrait changer la donne. Les députés lepénistes ont jusqu’ici voté deux fois pour et deux fois contre le texte ou sa principale mesure, et n’avaient aucun représentant en commission mixte paritaire.

Suspense entier. Pour justifier leur rejet du texte au Palais-Bourbon, le député RN Jean-Philippe Tanguy expliquait n’avoir “pas confiance” dans le gouvernement qui “nous a insulté avant le vote, ce qui montre leur fébrilité politique”. Sans pour autant s’avancer sur la position de son groupe lors du vote, tout à l’heure.

Et si ça coince ? Si le texte de compromis est rejeté par l’Assemblée nationale, la procédure parlementaire veut qu’il y retourne pour une nouvelle lecture. A moins que le gouvernement ne jette l’éponge.

Opposition de principe. S’il est adopté, la Nupes a déjà prévu de saisir le Conseil constitutionnel, sans avoir encore décidé quels articles seraient visés, selon deux de ses députés questionnés par texto par mon collègue Nicolas Camut.

Si vous avez manqué un épisode, ce projet prévoit la fusion du gendarme du nucléaire, l’Agence de sûreté nucléaire, avec l’expert en matière de recherche sur les risques nucléaires, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, au sein d’une même autorité indépendante. Une fusion à laquelle s’oppose — entre autres — les salariés de l’institut.

AGENDA

A 10 heures 30, manifestation à l’appel des syndicats de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire entre le Sénat et l’Assemblée nationale, en amont du vote final sur le projet de loi sur la sûreté nucléaire.

Vers 10 heures 30, décisions de la Cour européenne des droits de l’Homme sur plusieurs plaintes de particuliers contre des Etats pour inaction climatique.

A 15 heures 30, audition de Sophie Mourlon, directrice générale de l’énergie et du climat, par la commission d’enquête sénatoriale sur les prix de l’électricité, suivie par celle de Thomas Courbe, directeur général des entreprises.

A 18 heures 30, examen en commission du développement durable à l’Assemblée de la proposition de loi de Damien Adam (Renaissance) sur le verdissement des flottes d’entreprises, portée par Damien Adam.

SOBRIÉTÉ FONCIÈRE

ZAN, ÉPISODE 453. Dans la bataille opposant Bercy au ministère de la Transition écologique sur le “zéro artificialisation nette” (ZAN), Christophe Béchu vient de remporter une nouvelle manche. Les efforts de Bruno Le Maire pour glisser dans le projet de loi de simplification une exemption des projets industriels n’ont pas abouti, a appris votre infolettre, confirmant une information des Echos.

“Aucun projet industriel ne sera abandonné à cause du ZAN”, insiste une conseillère du ministre Béchu, répondant à mots couverts à Bruno Le Maire, qui craint que la lutte contre l’artificialisation des sols n’abîme l’attractivité industrielle de la France. 

Preuve en est, selon son cabinet : Christophe Béchu finalise la liste des projets d’envergure nationale et européenne qui seront comptabilisés à part dans les 125 000 hectares pouvant être bétonnés d’ici 2030. La liste sera communiquée par courrier aux régions, en réponse à leurs suggestions, dans “quelques jours”, poursuit un conseiller. Et de vanter un travail “quasi diplomatique” du ministre, celui-ci ayant “mis les mains dans le cambouis” pour désamorcer les craintes.

CLIMAT

L’AFFAIRE DU JOUR. La France sera sur le banc des accusés ce matin à Strasbourg devant la Cour européenne des droits de l’Homme, qui doit rendre son verdict sur les manquements du gouvernement dans la lutte contre le changement climatique, dans le dossier qui l’oppose à l’eurodéputé écolo Damien Carême.

“C’est la première fois que la Cour juge des Etats pour inaction climatique”, se félicite Damien Carême auprès de mon collègue Nicolas Camut. Le député européen, qui figure cette fois-ci sur la liste de La France insoumise pour renouveler son mandat, se dit “serein” avant l’annonce de la décision. Il espère “que la France soit sommée d’agir et de respecter les conventions internationales qu’elle signe”. 

Comment on est arrivé là. En 2018, alors maire de Grande-Synthe, une commune de l’agglomération dunkerquoise menacée par la montée des eaux à l’horizon 2030, il lance un recours contre l’Etat afin que celui-ci tienne ses engagements climatiques — à la fois en tant que représentant de sa commune et à titre privé. La requête est ensuite portée devant le Conseil d’Etat, qui accède à la demande de la commune, mais pas à celle portée par l’élu à titre perso, le poussant vers les instances européennes.  

Six ans plus tard, sa détermination reste intacte. “J’avais déjà peur en 2018 mais aujourd’hui en 2024 on n’y est toujours pas”, tance le député européen. “Les choses s’accélèrent dangereusement”, ajoute-t-il, citant les importantes inondations qui ont frappé la Normandie depuis le début de l’année.

“Intérêt fort.” Sondé par votre infolettre sur la recrudescence des actions en justice liées au climat, le cabinet de Christophe Béchu assure ne prendre “aucune de ces affaires à la légère” et voit “un intérêt fort à mettre l’Etat face à ses responsabilités”. Avec un bémol : “Mêler la responsabilité collective avec les responsabilités individuelles… Ça manque un peu l’objectif,” ajoute cependant le cabinet.

Deux autres cas. La Cour rendra aussi un jugement dans deux autres dossiers similaires, opposant pour l’un de jeunes activistes portugais à 32 gouvernements — y compris les 27 Etats membres, et donc la France — et pour l’autre une association de seniors suisses au gouvernement helvétique. Nos collègues bruxellois vous en disent plus ici.

RENOUVELABLES

ENR VS BIODIVERSITÉ. Un décret d’application de plus pour la loi d’accélération des énergies renouvelables : un “observatoire des énergies renouvelables et de la biodiversité” vient d’être créé par un décret publié ce weekend. Sous égide de l’Ademe et de l’Office français de la biodiversité, il devra synthétiser tout ce que l’on sait sur les impacts des énergies renouvelables terrestres sur la biodiversité, les sols et les paysages.

Et les dauphins ? C’est la question que se pose la fédération France Nature Environnement en lisant le texte, qui n’inclut pas les énergies renouvelables marines, contrairement à ce que prévoyait la loi. Les éoliennes offshore suscitent pourtant de l’inquiétude pour les cétacés et les oiseaux. Un élément de réponse, peut-être : un observatoire de l’éolien en mer a été créé par Jean Castex en 2022.

NÉGOCIATIONS CLIMATIQUES

PÉKIN EXPRESS. L’ambassadeur français sur le climat par intérim, Kévin Magron, avait rendez-vous hier avec Liu Zhenmin, le nouvel émissaire de la Chine sur ce sujet avec ses homologues allemand, danois et néerlandais ainsi que l’envoyé spécial de l’Union européenne sur le climat.

L’objectif : mettre la pression sur le plus grand émetteur de gaz à effet de serre au monde pour l’inciter, encore et encore, à mettre la main à la poche à destination des pays en développement.

Sans illusion. Jusqu’ici, Pékin s’abrite derrière son statut d’Etat émergent pour éviter de contribuer aux fonds de solidarité internationale. Comme l’explique mon collègue bruxellois Karl Mathiesen, il ne faut cependant pas s’attendre à ce que la Chine montre son jeu avant les élections européennes et la présidentielle américaine.

ÉLECTRONS LIBRES

La Tribune prédit un coup de frein sur le marché français des voitures électriques ; la baisse du coût des batteries apporte de l’air aux constructeurs, complètent Les Echos.

— Le gouvernement français veut faire passer à la caisse ses voisins qui voudraient profiter de ses futurs réacteurs nucléaires, dont la Suisse, rapporte la NZZ am Sonntag (pour les non-germanophones, Le Temps résume toute l’histoire).

— La France accélère sur l’économie circulaire au moment où l’Union européenne planche sur son propre plan d’action. Et forcément, les deux s’entrechoquent. Ma collègue Marianne Gros analyse ce paradoxe.

Un grand merci à notre éditeur Alexandre Léchenet.

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